DOC(K)S naît en France en
1976, à l' initiative de Julien Blaine, poète qui
en assuma la direction et l'édition jusqu' en 1989 - De 1989
à 1991, la revue tombe en sommeil, jusqu'au moment où
Julien Blaine en propose et transmet la direction et la responsabilité
éditoriale à Akenaton (Ph. Castellin, J. Torregrosa).
Depuis 1976, 120 numéros, très volumineux, ont été
publiés selon 4 "séries", la première
dominée par le choix de livraisons liées à
des zones géographiques, la seconde (1987) par une structure
assagie, plus conforme au terme de revue, la troisième (1990)
par des numéros "thématiques" intitulés
"chantiers" où la dimension numérique, web,
CD, DVD, poésie programmée etc... a pris rapidement
une importance déterminante. Quant à la 4° série,
initiée en 2006-2007 elle se différencie de la précédente
par la "mise à jour" du comité international
et par le retour de Julien Blaine au sein du comité de rédaction
pour l'année 2006-2007 et la publication du numero "Théories/Poésies:
la poésie_entre_deux_siècles". Pour le reste,
présence du numérique, format et apparence de la revue,
choix de travailler par "chantiers" etc, tout reste identique
et la charge éditoriale continue à être assumée
par Akenaton.
Un même esprit anime les
4 "séries". Il se marque d'abord par la volonté
de considérer comme matériau poétique l' ensemble
des éléments sémiologiques, qu' il s'agisse,
dans l' ordre visuel, de l'écriture envisagée plastiquement
et conjointe à l'image et au graphisme, ou, plus généralement,
des signes et des effets liés à la voix, au corps,
à la performance. Cet élargissement situe DOC(K)S
auprès des Avant-Gardes du début du siècle
et , concrets, visuels ou sonores, de l'ensemble des courants liés
à l' expérimentation poétique, courants avec
lesquels il partage le souci de libérer la poésie
de tout ghetto comme de l' accorder au monde contemporain et aux
media qui le caractérisent.
Tirant toutes les conséquences
de ce programme d'ailleurs bien plus manifesté ou mis en
oeuvre que discursivement affirmé, DOC(K)S brouille très
consciemment et systématiquement les rôles et les distinctions,
notamment entre le domaine créatif et le domaine technique:
la revue est réalisée de A à Z par des poètes
qui y assument des fonctions de typographe ou maquettiste afin de
maîtriser et intégrer au registre des signes poétiques
l' ensemble des paramètres de l' objet imprimé. Par
l' attention pratique qu' il voue aux valences de l'écriture,
par les multiples traitements auxquels il soumet toute page jusqu'
à la faire image, DOC(K)S se distingue sensiblement
de toutes les autres "revues de poésie" et, malgré
la diversité du matériau qu' il agence, réussit
à se constituer lui-même en objet poétique de
second rang , work in progress et macro-poème collectif doté
d'une personnalité immédiatement reconnaissable à
sa langue plurielle et syncopée, riche en collages et détournements,
parfois brutale mais toujours vivante. Les modalités de fonctionnement
de la revue renforcent cet aspect. Sans cesse et dès son
nom, qui renvoie à la fois aux documents qu' on livre et
aux lieux du voyage ou de l'importation, DOC(K)S s'est en effet
défini comme noeud au sein d'un réseau international
voisin du mail art et précurseur du web, réseau qui,
alimentant par ses envois chacune des livraisons, en fait un véritable
meeting/melting point planétaire. Pareil modèle a
permis à DOC(K)S, aux antipodes de tout narcissisme culturel,
de " révéler " certains noms, majeurs mais
ignorés en France, de la poésie mondiale, sans jamais
fermer la porte à des auteurs encore inconnus - ou voués
à le demeurer. En quelques 20 000 pages, 3000 poètes
aux origines les plus variées ont ainsi pu se rencontrer
et faire entendre, un inventaire d'une telle richesse provoquant
un élargissement et un renouvellement considérables
de la vision que nous pouvons avoir de la poésie actuelle
et des chemins qu' elle emprunte.Vis-à-vis de l'art du XX°
siècle, DOC(K)S marque alors le passage de l' âge des
mouvements et groupes structurés à celui des réseaux
affinitaires. Par l'adoption d'une telle logique de la communication
créative, il appartient à l'univers télématique
et au village global mac luhanien, de même que, par le brassage
des codes, il relève du monde des signes réunifiés
par le numérique; on ne s'étonnera pas que l'un des
numéros de la 3° série aie été consacré
à la "poésie animée par ordinateur»
et qu'il se soit accompagné du premier CD-Rom de poésie
intermedia jamais publié. Du " chantier " au "
site " un pas de plus est accompli en direction de l' horizon
jadis tracé par Lautréamont , celui d' une poésie
faite par tous, non par un.
Philippe Castellin