26" - Exposition Galerie J.F MEYER 2006
Il y a ces photos, tout le monde les
connaît, où Muybridge vers 1880 élucide le mystère
du galop des chevaux et démontre à quel point l’œil
humain est aveugle ou plutôt synthétique ou plutôt
approximatif ou plutôt créatif. Les chevaux ne volent pas,
sauf exception. Il y a la suite, courses, sauts, danses, sports. Et
à côté de Muybridge, Marey, Duchamp voire. On peut
entendre ce genre d’analyse « décompositionnelle »
comme volonté de savoir. Une dissection. Dont l’intention
alors serait de scruter la magie paradoxale (Zénon…) par
laquelle on glisse d’un instant à un autre, d’un
état à un autre.. En tout cas est-ce un exercice auquel
Akenaton s’est attelé depuis longtemps. Avec, il y a
quelques années (Galerie J.F Meyer, déjà…)
un « Pequeno
versilio »,
qui se présentait en 17 éléments comme le démontage
(par « images clefs ») d’un film consacré
à Guevara lisant un poème. Un peu plus tard : « Arrêts_sur_textes »,
ensemble de saisies d’écran où, dans des films sous
titrés, apparaissent les mots poète, poème, poésie.
A peu près en même temps « Target », là encore série d’images
clefs empruntés à l’un des tous premiers films de
guerre « virtuel ». Mais chacun devine bien qu’au
delà de ces opérations techniques il s’agit pour
nous de quelque chose de plus général. Du rapport entre
le mobile et l’immobile par exemple, ou de celui de l’animé
à l’inanimé, du mort et du vif. Et des limites que
nous hantons depuis toujours entre peinture, cinéma, video et
image, ou performance. Bref: de l’histoire, ou du temps. Qui est
notre « vrai thème ». En tout cas celui
qui inspire cette exposition. Au départ, comme également
dans beaucoup d’autres cas, (voir la série des « images
du XX° siècle », actuellement possession du
Musée Ziem) c’est, (non par hasard mais par volonté
d’explorer une mémoire collective aujourd’hui, agencée
à partir des images audio visuelles) on trouvera deux videos,
très brèves mais aussi célèbres que leurs
auteurs – Abraham Zapruder, Orville Mix - sont inconnus. Une trentaine
de secondes (26 plus précisément…) au cours desquelles
l’histoire se joue, ou se noue. 175 images mille fois vues et
revues, qu’on pourrait croire usées tant elles ont été
scrutées, « zoomées », analysées
jusqu’au plus infime détail. Par un souci de vérité
et d’enquête qui -au
moins métaphoriquement- nous concerne certes, pour noter une
ombre, un rose, ou interroger la bizarrerie d’une réaction
– et qu’allait elle donc faire sur ce capot ?- ou enfin
s’émouvoir de l’intensité d’une étreinte.
Souci de « vérité » qui ne recouvre
pourtant que partiellement notre souhait : transformer le film
en images « picturales » qui ne sont pas celles
du film bien qu’elles en « dérivent »,
transcoder le mouvement, mettre de l’instabilité dans le
fixe. Ou, à rebours, à partir des images fixes en générer
d’autres, « manquantes » et créer
un film « synthétique » de 26 minutes cette
fois, un film qui semble ne pas en être un, non pas ralenti mais
étiré, où chaque plan bascule dans celui
qui le suit en s’y fondant, en sorte que du mouvement naisse l’immobile :
pour le spectateur qui ne prend pas le temps de le voir couler, le temps.
Ou qui, comme nous faisons tous, d’un moment à un autre
se détachant, se borne à constater que quelque chose a
probablement changé, que ça n’est pas tout à
fait pareil tout en restant le même. Nous voulons rendre sensible
l’insensible. La durée est notre projet, l’entre
deux l’espace que nous explorons.
Akenaton - Février2006
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