Jérome Bertin, Sylvain Courtoux, Charles Pennequin, Christian Prigent. (Juillet 2000) :
LE MANIFESTE NEGATIF
Le spectacle du signifiant est
partout. Et le spectacle se doit dans son essence d'être
immédiatement identi-fiable et consommable par tous.
La littérature contemporaine concurrence les médias et joue ainsi
le jeu du produit conforme,
asseptisé et vide, du compulsif informationnel.
La collaboration à cette déréalisation programmée
du sens se traduit par une super-flui(di)té
des textes et des discours, cautionnant ainsi la paresse du lecteur-consommateur
type, toujours
plus avide de représentations rassurantes. L'apologie de la complaisance
objectiviste et de la
mise en perspective de la surface seule de l'objet, va de pair avec cette non-exigence
absolue de
sens et de la perte du dire, reproduisant ainsi les structures canalisantes
chères à l'instinct de
survie des schèmes dominants.
Le comportement des structures éditoriales, aujourd'hui confortablement
intégrée au jeu du
marché, et donc inévitablement complaisantes à l'égard
de son idéalisme du sens, a supplanté
au projet du dire, la seule perspective communicationnelle. Le livre doit ainsi
con-sentir au
monde.
L'écriture doit donc être aujourd'hui plus que jamais un réalisme,
c'est à dire un travail
ré-alisant contre l'hégémonie positiviste et idéaliste
du sens. La modernité littéraire a pour
devoir d'être la plus négative possible, ré-affirrnation
d'un sens que les usages consentant de la
langue 'biblique' ont définitivement mis à mal. La littérature
se doit donc d'être une politique,
c'est à dire une pragmatique.
Il est temps d'en finir avec cette écriture égotique, ces journaux
de bord de la résignation
intime. Une littérature résolument moderne doit se penser non
seulement comme vision du
monde, mais aussi comme (ré)agir effectif sur ce monde. Ainsi subvertir
la langue coincidera
avec la déconstruction, la destruction et la destructuration de la vérité
propre aux visions
dominantes du monde. Il s'agit alors d'opposer au positif
vrai, un réel négatif. L'écriture se
doit alors d'être un terrorisme.