C’est au Festival d’Automne de 1974 à Paris que j’ai été, pour la première fois, propulsé sur une scène.
Au Musée Galliera, je ne sais plus si je mélange un peu tout, mais j’ai entre les mains le livre édité par Temps d’Actuels de Jean-Pierre Léonardini ( et Marie Collin, Joséphine Markovits) qui ne mentionne pas le mémorable concert Fluxus. La section Arts Plastiques de ce festival au Musée Galliera présentait « Galerie Daniel Templon : l’art au présent. ». Ben Vautier, de l’écurie Templon, avait obtenu, le déroulement d’un concert Fluxus ( la conservatrice, Marie-Claude Dane – était très réceptive à toutes initiatives d’art contemporain) ; chargé d’en recruter les protagonistes, je me retrouvais organisateur et performeur : le premier avait refusé de jouer, une minute avant que cela commence, car il n’y avait pas d’argent pour ce spectacle off.(j'ai reçu comme payement une sérigraphie de Ben -noire écrit en blanc sur un fond noir) .Le second - futur mari d’une copine de l’Université de Nanterre-, et Martial Thomas dont je venais de faire la connaissance à New York.
Ben Vautier dans la première salle présentait son Magasin (que Templon a vendu à l’Etat à la suite de cette monstration), maintenant déposé au Centre Georges Pompidou. Cette vente (on disait à l’époque 40 millions) a permis, en partie à Ben , d’acquérir sa maison de Saint Pancrace ; avant le vernissage, je l’avais aidé à coller les éléments disparts, il était très parano qu’on lui pique tout. Olivier Mosset traînait par là (Ben était une sorte d’agent pour lui - avec Yvon Lambert – je me souviens que Ben trouvait très pratique que les toiles de un mètre sur un mètre avec un O au milieu entraient (juste/juste) dans les coffres voitures et qu’elles devenaient par cette seule grâce, pratiques à transporter et en conséquence…plus facile à vendre. Je me souviens de la visite de Guinochet qui vendait des toiles (à demi ready-made) place du Tertre et de sa casquette.
La veille du concert Fluxus avec Ben je suis allé voir (je suis un enfant du quartier, de zéro à trente ans j’habitais au 44 de la rue Jean Goujon toute proche) le soir la performance de Meridith Monk (dans le livre classé comme danse du 16 au 20 octobre). Elle criait plutôt de façon expressionniste, devant très peu de spectateurs et Ben très très fort donnait son opinion très peu flatteuse. Si mes souvenirs sont bons, prétendant en plus, pour flatter son dada – l’art doit apporter du neuf pour être de l’art…-, que tout cela n’apportait rien de nouveau . Il commentait si fort qu’une personne est venue lui faire de la morale. Lui dire que ce ne se faisait pas de critiquer en mal, un artiste, en l’occurrence une artiste, lorsqu’on passait soi-même le jour suivant dans la même salle sinon au même programme.
Le lendemain nous avions placé les sièges de telle façon que le public devait s’asseoir en face les uns des autres, séparés par une allée. Lorsque le public entrait nous étions déjà là, assis sur une petite scène, les regardant s’installer. Près de nous un piano droit à casser et à l’autre extrémité de l’allée un Steinway à queue.
Les Jeunes Lettristes (je ne sais plus si cela existe toujours les Jeunes
Lettristes- ceux présents ont pris trente ans) sont arrivés
en criant distribuant des tracs disant que les Lettristes avaient déjà
fait tout Fluxus avant Fluxus. Martial Thomas ( à partir de cette époque
il allait manger tous les jours chez moi, aujourd’hui il est professeur
à l’Ecole des Beaux Arts d’Angers et vit et ‘s’occupe’
à Bruxelles de Marie-Jo Lafontaine – ils étaient
voisins à la Biennale de Paris au Centre Georges Pompidou au début
des années 80- Martial me précise après avoir lu une
première ébauche de ce texte que dans le trac lettriste qu'il
possède toujours Catherine Millet avait la charmante appellation de
'serpillière de Templon' à l'époque il me semble
qu'ils vivaient encore ensemble rue Saint Martin) avait inventé une
pièce- qui consistait à s’allonger sous le piano, et a
reçu l’eau du vase de la pièce de George Brecht’
Piano Piece n°1’Version
Fluxus 1962 –poser un vase de fleur sur le piano-(un vrai piano aqueux).
Ben alors attaque l’agresseur, mais celui-ci enlève son ceinturon.
Une bagarre commence, Templon mouille dans sa culotte pour les tableaux restés
aux murs (les bigs american names). Il parvient, tout de même pour le
final, à sortir un aspirateur et la baudruche se gonfle.
Autre péripétie, un peu plus tôt, lorsque Ben plonge sa
tête dans le seau de peinture noire inoffensive, cette peinture a été
remplacée par de l’acrylique, il souffre le martyre surtout l’intérieur
des oreilles (il doit finir à l’hôpital). Très fier
je réalise mon « élément » qui
consiste à allumer une allumette avec un briquet, (je lis plus de vingt
ans plus tard que Yoko Ono a fait quelque chose d’un peu semblable
dix ans plus tôt- ça arrive…je reste le meilleur !).
Des inconnus distribuent de l’eau avec une drogue (les urgences sont
envahies).
Puis au fil des années les performances s’enfilent ; à propos de Yoko Ono le 7 juin 1989 à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts dans l’ordre de passage il y avait Charles Dreyfus puis Yoko Ono. Mais avant les autres (en deux mot : l’enfer) avaient traîné les pieds surtout Charlotte Moorman (déjà très très souffrante, son copain lui injectait de la morphine tant elle avait mal) qui avait dû rentrer dans un baril rempli d’eau froide, Au lieu des dix minutes imparties aux happenings et Fluxus events d’Eric Andersen, Charles Dreyfus, Dick Higgins, Alison Knowles, Jean-Jacques Lebel, Larry Miller, Charlotte Moorman, Yoko Ono, Ben Patterson, La Monte Young et Marian Zazeela, notre chère Charlotte n’en fini pas de rester sur scène.
Marcel Fleiss, le galeriste responsable , pour moi, de la soirée – on me souffle que c’était également une ‘infime’ partie de Polyphonix 14 -, à cet instant n’en pouvait déjà plus physiquement : il faut préciser qu’avant il y avait eu l’exposition (où j’avais outre le catalogue grandement pris part) et les paparazzi. Son médecin était déjà venu lui faire une piqûre, et c’est alors qu’il me pria malgré l’ordre du programme, pour que Yoko passe avant moi, et qu’il puisse rentrer chez lui. Pas très flatteur pour ce qui allait suivre : ma performance et le merveilleux interminable final de La Monte Young, avec La Monte HIMSELF, avec les étudiants des Beaux-Arts : ‘Poem for Chairs, Tables, Benches, Etc.’(1959),
>J’avais trois musiciens et quatre porteurs. Mon cousin Alex (Premier Prix de Paris de trombone, qui a, depuis joué, avec tout le monde en particulier avec Hallyday, Sardou, et Eddy Mitchell, puisqu’ils ont le même producteur) Michael (Premier Prix de Paris de trompette, le neveu de ma compagne d’alors Barbro ) qui travaille entre autre à l’orchestre de Berne et qui m’a aidé à jouer- le 5 décembre 2002 dernier pour Bone 5 dans cette ville- la partie hou, hou, hou, hou, de Ella, elle a de France Gall, et un bassiste japonais qui faisais ses études à ce moment là au Conservatoire de Paris encore rue de Madrid. Et mes quatre porteurs (qui forment une chaise anglaise) Ben Patterson, Eric Anderson (les fluxworkers), Joël Hubaut et Richard Martel.
J’ai fait dérouler une grande banderole qui avait la grandeur de la scène, tissu du couronnement de l’Empereur Bokassa avec deux images indépendantes qui revenaient : un démonstratif ‘Empire Centre Africain’, et un non moins démonstratif ‘Vive l’Empereur Bokassa /Vive l’Impératrice Catherine’ avec photos à l’appui.
Certains se souviennent encore de ma prestation, de ma performance, lorsque la banderole fit face au public. (un public qui passe son temps a se piétiner et a ne rien voir, trop nombreux pour la grandeur de la salle, que le directeur avait fait évacuer, au beau milieu de la soirée, pour calmer les esprits…à cause des examens le grand hall des Beaux-Arts ne pouvait être utilisé et le Nouvel Observateur nous avait fait une publicité monstre, au moins trois pages entières du journal).
J’arrivais sur mon trône humain ganté de mes gants afghans, achetés à Kaboul durant l’été 1972 lors de mon voyage en 2 CV Paris-Bénarès-Avignon.
D’une voix de plus en plus psychotique jusqu’à l’hystérie répétant sans cesse « le choix entre Buffet et Dubuffet n’est pas comme… » et la chute « …n’est pas commode » - Buffet m’est beaucoup plus sympathique depuis qu’il s’est suicidé en mettant sa tête dans un sac en plastique ; de Dubuffet je ne sais pas pourquoi je retiens son crâne chauve et son col coulé jaune et une lettre que m’a montré le directeur du Guggenheim, Thomas M. Messer (hongrois d’origine) dans son appartement à New York.
L’autre partie se composait d’un poème sonore également rythmé par mes musiciens « plat, plat, raplaplat,… »
Mon copain de pensionnat à Rambouillet, Pierre, dont le père s’occupait des Affaires Africaines à Elysée me l’avait donné. On s’en servait comme sortie de bain sur la plage du Lavandou. Artpool a présenté un bout de cette banderole aux dimensions d’un drapeau (dans une exposition de drapeaux d’artistes sur les Champs Elysées de Budapest. A Berne à l’hôtel, j’ai cherché sur internet les détails de la vie de Bokassa Premier, Empereur de Centre Afrique…comment son père est tué devant lui, sa mère qui meurt de chagrin une semaine plus tard, l’oncle de Valery Giscard d’Estaing…
( à suivre )