LA REDESCRIPTION
- QU’EST-CE QU’UN DOCUMENT POÉTIQUE ? (IIE PARTIE) -
À
la fin du volet précédent, nous sommes arrivés
à l’idée qu’une des fonctions du document
poétique est un certain genre de production de savoir. Nous interrogeant
sur la nature d’un tel savoir, nous nous sommes penchés
sur les dossiers que « montent » les ONG internationales,
qui participent à la constitution de « causes internationales ».
Cette mise en parallèle, motivée par une éventuelle
similarité formelle entre ces dossiers et certains documents
poétiques, visait à souligner que le rapport à
l’archive ou au savoir juridique ou historique, ou encore, les
modalités de mobilisation de la notion de preuve, ne se pensaient
pas sur un régime de concurrence - qui reprendrait et déclinerait
par là, finalement, la vieille opposition science / art - , ni
ne pouvaient simplement s’évaluer selon un modèle
de similarité formelle (cela ressemble à…).
Antony Grafson, dans son livre Les Origines tragiques de l’érudition,
pour une histoire de la note en bas de page, considère, de
même, qu’entre le récit de fiction et le récit
historique, il n’existe de différence qu’au niveau
des conditions de leur production : ce sont, non pas des traits
formels, pour le coup parfaitement similaires - comment dire si « pierre
r. est né en 1964 » est un énoncé fictionnel
ou à validité scientifique historique ? -, mais les
procédures employées lors des longs mois de recherche,
avec instances de validation scientifique à l’arrivée,
qui distinguent réellement le récit historique du récit
de fiction. D’un point de vue institutionnaliste, tel document
validé par un comité d’historiens sera ainsi reconnu
comme doté de propriétés scientifiques suffisantes,
quand tel autre, validé par un comité d’experts
issus du monde de l’art (éditeurs, galeristes, conservateurs,
critiques, etc.), sera alors désigné comme possédant
des propriétés artistiques certaines. Le point de vue
institutionnaliste met donc l’accent, d’une certaine façon,
sur le second point de l’argumentation de Grafson : le contexte
de réception détermine en partie la nature du document,
et partant, du savoir produit par ce dernier. Toutefois, il reste muet
sur la question des procédures et force est de constater que,
du moins pour les documents poétiques qui nous occupent, les
procédures de recherche s’apparentent bien souvent à
celles qui sont menées dans d’autres disciplines des sciences
humaines ou sociales : classement, compilation, indexation, synthétisation,
citation, etc. C’est alors peut-être, non pas les procédures
elles-mêmes, mais l’usage, la fonction ou la finalité
de ces procédures qui nous éclaireront sur le type de
savoir que ces documents poétiques peuvent produire. Je voudrais, pour cela, me pencher sur l’une de
ces procédures fréquemment employées : la
redescription. Repartons de la définition partielle, mais utile,
que nous avions proposé dans le volet précédent,
à savoir que le document poétique est un dispositif mettant
en place un système de retraitement de matériaux déjà
existant, en vue d’une production nouvelle de savoir. Il apparaît,
sans que cela prête trop à discussion, qu’une des
étapes obligées, lorsqu’on a affaire à du
matériau déjà existant, est de circonscrire ce
dernier. La question de la description, au sens classique cette fois,
se pose donc comme un préalable à celle de la redescription.
Comprendre une situation se résume, d’ailleurs,
bien souvent, à la décrire correctement, et tenter de
comprendre, à tenter de décrire. Description et compréhension,
ou simplement, appréhension sont donc intimement liées :
la première est non seulement une des voies possibles pour arriver
à la seconde (procès) mais elle est aussi, une fois la
seconde achevée, une synthèse a posteriori de cette
dernière
[1]
: je décris pour comprendre ;
une description correcte montre que j’ai bien compris. Les études sur la description ont, depuis plus
de 20 ans, développé une diversité des approches
qui permet, aujourd’hui, d’avancer quelques résultats.
Les approches peuvent être formelle, cognitive, anthropologique,
rhétorique, textuelle, etc. On peut, ainsi, avec Philippe Hamon,
faire de la description le lieu d'une "conscience paradigmatique
de l'énoncé", on peut aussi s’intéresser
aux mécanismes de référenciation et de schématisation
propres au régime descriptif, aux questions d’ordre et
de lisibilité des séquences descriptives, etc. car la
description est, à la fois, un type de discours (la séquence
descriptive), un mode du littéraire (le descriptif), un objet
rhétorique, et une pratique qui déborde largement l'espace
de la littérature. Je peux l’activer dans sa fonction mémorielle,
lorsque grand-père, je raconte à mes petits-enfants la
guerre de 14 ou, dans sa fonction informationnelle, lorsqu’en
tant que christian chesnot et georges malbrunot, je suis sommé
par la DGSE, sur le tarmac de l’aéroport de Villacoubray,
lors d’un debriefing visant à conserver l’empreinte la plus fraîche, de raconter mes conditions de détention d’après
mon expérience d’otages en Irak. La description combine
ainsi une fonction de représentation - en donnant la priorité
au référent, sur lequel elle peut se contenter de greffer
une liste de prédicats - et une fonction esthétique -
exhibant des principes de littérarité, elle constitue
un espace interfaciel du discours avec les arts de la représentation
visuelle, que des figures comme l'ekphrasis ou l'hypotypose actualisent.
La description se définit comme un des quatre grands types formels
du discours : narratif, descriptif, argumentatif, poétique. Sa
définition n'est pas grammaticale: elle n'est pas liée
au mot, et ne passe ni par un vocabulaire spécifique ni par un
usage particulier de la langue, mais par un ensemble d'opérations
logiques
[2]
. Une des méthodes classiques d’approche de
la description est de considérer cette dernière comme
la déclinaison d'un paradigme latent (ayant déjà
un principe organisateur), qui s'opère dans une liste, une énumération
ou, d'une manière plus générale, dans une expansion
ramenée ensuite à l'unité par la présence
d’un « pantonyme » qui nomme l'objet ou
la catégorie d'objets dont les caractéristiques ont justement
été explicitées. Dans cette perspective, la description
est de l'ordre du paradigme, des métaphores filées, de
la liste, du catalogue, mais aussi des assonances ; l'attente qu'elle
mobilise n'est pas celle de la consécution mais celle de la contiguïté,
réelle ou verbale. Le problème avec cette façon
de voir est qu’elle constitue par avance l’objet à
décrire, le considérant comme une « présence
réelle » de la réalité. Elle s’interdit
ainsi de voir en la description une méthode pour fabriquer des
réalités plus complexes, non pas moins réelles,
mais envisageant sur un mode moins naïf les questions de représentation
et de référenciation. Pour dire les choses autrement,
cette perspective envisage la description comme une modalité
analytique, c’est-à-dire, comme opérant par décomposition
du tout en éléments discrets pour sélectionner
ensuite certains de ces éléments jugés suffisant
(pertinents ou saillants) pour permettre une reconnaissance de ce tout
(ce qu’en langage vidéo, on nomme les « images-clés »).
Or, ce point de vue analytique, me semble-t-il, ne prend pas en considération
le fait que la description relève aussi, et peut-être avant
tout, de modalités synthétiques. Ainsi, d’un point
de vue analytique, décrire une pomme comme « un ballon
vert mais plus petit avec une excroissance à son sommet »
ne permet pas de comprendre que l’on parle d’une pomme si
on ne précise pas le référent a priori du
texte descriptif. En revanche, d’un point de vue synthétique,
cette description apporte quelque chose de plus à la pomme :
cette dernière possède effectivement quelque chose qui
relève d’un petit ballon vert, mais nous ne le savions
pas avant la description proposée
[3]
. Si les deux points de vue, analytique et synthétique,
peuvent, chacun dans leur contexte, également fonctionner, c’est
bien parce que le rapport envisagé ici entre le référent
et sa description est fondé sur la notion de ressemblance. Or,
comme on le sait, « tout le monde se ressemble »
(selon le titre de l’anthologie dirigée par Emmanuel Hocquard)
et que tout ressemble à tout (voir évidemment, à
ce sujet, les textes de Nelson Goodman). Est-il alors possible d’envisager
la description autrement que fondée sur cette notion de ressemblance,
sans pour autant lui ôter ses capacités à être
un outil de compréhension ? Il me semble que les sciences
ne l’ont jamais envisagé autrement et ce, parce qu’ils
ont toujours fondé la description non sur une ressemblance issue
d’une vision naturaliste mais toujours sur les capacités
prédictives que celle-là pouvait receler. Autrement dit,
les sciences ne considèrent une description pertinente qu’à
partir du moment où elle permet d’obtenir des résultats
intéressants. Ainsi, en physique, bien des objets ne peuvent
être observés, ne serait-ce que parce que les outils d’observation
n’existent parfois pas encore (de puissants télescopes,
par exemple) et que l’existence même de ces objets n’est
encore qu’hypothétique. Pourtant, une description préalable
(une description déduite logiquement) existe déjà
et c’est même à partir de cette dernière que
l’on se mettra à construire l’instrument d’observation
et à rechercher l’objet décrit – si
l’objet x existe, alors il devra comporter les caractéristiques
suivantes. En biophysique, Henri Atlan procède de même
lorsqu’il assimile le cerveau à une boîte noire :
s’il nous est impossible de savoir ce qui est à l’intérieur,
nous savons, en revanche, ce qui entre dans la boîte (les inputs)
et ce qui en sort (les outputs). Nous devons donc construire
un modèle expliquant le passage des inputs aux outputs,
sans pour autant nous appuyer sur une quelconque ressemblance d’une
supposée conscience dont l’accès nous est interdit.
Le seul critère à respecter sera donc finalement celui
de la non-contradiction : à partir des différents
types d’inputs entrant simultanément en jeu, le
modèle devra présenter des outputs conformes à
la réalité observable et non contradictoires les uns avec
les autres. Bien souvent, il faudra donc procéder à des
séries de tâtonnements, d’ajustements et d’erreurs,
jusqu’à ce que le plus grand nombre d’inputs
et d’outputs puissent « tenir » ensemble
à l’intérieur du modèle
[4]
. Ce qui signifie, d’une certaine façon,
que le modèle devra posséder une certaine flexibilité
pour s’adapter à chaque nouvel apport de données
exogènes, et qu’il devra, pour cela, être « mouvant »,
c’est-à-dire, qu’il devra évoluer dans le
temps. À partir de ces observations, ne peut-on alors dire que
la théorie littéraire agit de même lorsque, s’intéressant
aux processus de lecture et de compréhension d’un texte,
mais ne pouvant jamais se mettre à la place du lecteur
– dans sa tête, comme on dit -, elle est bien obligée
de reconstruire de l’extérieur les mécanismes
de lecture de ce dernier, sans jamais pouvoir espérer de vérifications
expérimentales à même son cerveau ? Ce type
de théorie littéraire, à volonté cognitive,
va donc procéder par redescription, afin de faire l’économie
d’une « intériorité » de la
conscience, à laquelle elle n’a, quoi qu’il en soit,
pas accès, du moins avec les moyens dont elle dispose aujourd’hui.
S’opère donc un transfert d’une conscience (opaque)
vers une autre (transparente puisque entièrement modélisée),
d’un point de vue (interne) vers un autre (externe) et d’une
réalité (empirique) vers une autre (modélisée).
Le lien qui unit les data à leur redescription est donc
fondé sur les capacités prédictives de cette dernière,
c’est-à-dire sur les capacités de la redescription
à transformer les inputs en outputs, soit, à
traiter correctement des données fournies. C’est cette
capacité à retraiter des données qui va nous intéresser
car elle occupe une position centrale dans les documents poétiques
dont il est ici question.
La notion de redescription (the representational redescription
model, noté dorénavant le RR modèle) trouve
son origine dans les sciences cognitives et s’inscrit dans le
cadre de questions portant sur l’apprentissage du langage et des
représentations (physiques, spatiales, etc.) chez l’enfant.
Le point de départ est une question assez simple : pourquoi
un enfant de 3 ans qui maîtrise certaines représentations
et certains usages du langage se met à faire des erreurs entre
4 et 6 ans qu’il ne commettait pas auparavant. Il s’agit,
en fait, de comprendre comment un savoir pratique (appeler « pierre »,
par exemple), appris par l’expérience, en vue d’une
action précise (faire venir pierre) peut être transformé
en savoir réflexif, du type, il y a une personne qui porte un
nom, « pierre » est un nom, cette personne porte
ce nom-là, lorsqu’on appelle une personne par son nom,
elle vient, etc. Autrement dit, il s’agit de comprendre comment
transformer un usage pratique, précis et implicite en un savoir
généralisable et explicite. C’est durant cette période
de transition que l’enfant se met à faire des erreurs langagières
(grammaticales, syntaxiques, etc.) qu’il ne commettait pas auparavant
(ainsi, la différence entre dire un nom et savoir que ce que
l’on dit est un nom)
[5]
. Reformulons les
choses différemment. La redescription travaille toujours à
partir d’un ensemble de « savoirs » déjà
stockés, et pratiques, car élaborés à un
moment précis en réponse à un stimulus extérieur
ou à une finalité précise. Ce stock de savoirs,
la redescription tente de le rendre accessible à un ensemble
de finalités plus larges. Si l’on utilise l’image
de la partie et du tout, on voudra que ce savoir, alors « encastré »
[6]
dans une série de procédures agencées
en vue d’une finalité prédéfinie, puisse
être utilisé par les autres parties du tout. Ce qui s’opère
là est donc la mise en place d’un système de traductions,
de conversions, en vue de rendre transportables et de faire circuler
entre les parties ces différents éléments, en partant
de l’idée que plus une représentation est généralisable,
plus elle gagne en puissance, c’est-à-dire en degré
d’abstraction. Cette procédure-là est donc
à visée explicitative et généralisante :
rendre explicite les règles utilisées implicitement, et
généraliser (abstraire) ce qui a été conçu
en vue d’une tâche spécifique. Comme à leur
habitude, les sciences cognitives ont modélisé cela à
partir du modèle informatique, et ont reformulé ces questions
comme un problème de transfert des savoirs, en se demandant comment
exploiter immédiatement dans un autre réseau les résultats
d’un apprentissage réussi dans un premier réseau
sans, pour autant, repartir de zéro ni repasser par le réapprentissage
(retrainig) total des différentes tâches (c’est-à-dire,
en reprogrammant totalement le nouvel ordinateur)
[7]
. La question, ici, d’un transfert permis par
traduction ou conversion de formats se reformule donc un peu différemment, ou plutôt,
gagne une autre zone de reformulation, puisqu’il faut alors considérer
que la conversion va passer par un réassemblage des données :
ce qui pouvait être très cohérent d’un certain
point de vue perd toute pertinence sous tel autre format qui
ne peut percevoir ces données que sur un mode désuni -
il y a, ça et là, des éléments qui traînent
ou se promènent (the data were disunified). Le transfert
implique donc de réunifier, selon une autre configuration, des
informations déjà existantes mais « intransportables »
tels quels (voir ainsi, évidemment, les narratives structures
de Lombardi). Contrairement à un programme classique, un enfant
ne va pas répéter à l’infini une tâche
exécutée avec succès. De petits changements vont
s’opérer d’une fois sur l’autre. Et, par le
biais de redescriptions répétées de ces actions,
l’enfant va peu à peu redéfinir explicitement des
représentations « condensées ».
Ce mouvement vers des représentations de plus en plus abstraites
s’accomplit par des séries de redescriptions qui, bien
sûr, progressent à des vitesses différentes, qui
conduisent vers un monde hétérogène, constitué
de degrés de réalités différents, sans être,
pour autant, concurrents (symbolisés parfois spatialement et
graphiquement par le procédé du « multi-fenêtrage »)
[8]
.
Demandons-nous maintenant comment se passe une redescription,
et en quoi elle consiste. Quel est le processus ou la stratégie
qui permet d’obtenir les redescriptions de degrés supérieurs
(c’est-à-dire, des redescriptions de redescriptions de
redescriptions, etc. à la puissance n) ? Quelles sont les
caractéristiques de ces formats représentationnels ?
on s’interroge donc, d’une part, sur un processus, d’autre
part, sur un produit (l’output). Lorsqu’on utilise du matériau déjà
existant, déjà formaté, on fait souvent appel à
une reconnaissance du spectateur ou lecteur - en effet, si le
matériau est trop dégradé, c’est simplement
la matière qui est utilisée et non pas sa codification,
sa sémantisation initiale, son statut, etc., rendus méconnaissables.
Cette reconnaissance implique toujours une mémoire collective,
mobilisée pour l’occasion, et qui met en marche l’œuvre,
la fait fonctionner. Si je regarde des affiches déchirées
de villéglé, hains ou dufrêne, mais que je n’ai
jamais vu d’affiches publicitaires dans la rue, je ne peux rien
saisir de l’aspect sociologique ou historique de ces travaux et
je ne peux y voir qu’un montage coloriste plaisant. Une mémoire
collective est donc indispensable au bon fonctionnement de ces œuvres.
Il en va de même pour les redescriptions. Si l’objet initial
n’est plus accessible, la redescription devient « flottante » :
ainsi, les images d’encyclopédies animales utilisées
par michaux sont tellement broyées, disloquées et digérées
que ses dessins d’insectes sont dits « sortis de nulle
part ». Pour les exemples de documents poétiques qui
nous occupent (reznikoff, lombardi), on voit au contraire que l’original
est immédiatement reconnaissable - toute la difficulté
est donc de comprendre comment articuler reconnaissance et non-ressemblance,
comment fabriquer une reconnaissance non fondée sur une ressemblance.
C’est que la redescription n’est jamais le passage d’un
état statique vers un autre, elle est d’abord un processus
de reconstitution (ou « d’investigation »
pour utiliser un terme de christophe hanna lorsque ce dernier réfléchit
à la question des portraits-robots) et, par cela, ne peut en
aucun cas, être assimilée à un naturalisme - il
ne peut, selon moi, y avoir naturalisme qu’à la condition
de fonder une reconnaissance sur une ressemblance
[9]
. Parce qu’elle est reconstitution ou reconception,
c’est-à-dire qu’elle est avant tout processus, elle
ne peut être en rien ni simple duplication ni pauvre simulation
d’un modèle original ou originaire – deux finalités
pourtant constitutives de la description prise dans son acception classique.
En un sens, la redescription annule l’idée de modèle
de référence (et par là, tout fondement naturaliste)
pour ne plus considérer que des étapes et des calques
ou des filtres intermédiaires (layers, en langage photoshop). Une série de procédés produit successivement
des redescripts de degré divers, qui viennent s’ajouter
les uns aux autres. Mieux encore, chaque nouvel output est, en
fait, le redescript des outputs précédents (de
l’original à celui qui le précède). Le document
poétique parvient donc à retraiter ses propres représentations,
considérées comme des objets, et à lancer des redescriptions
en interne, sans attendre de « stimulus externe ».
Par cette méthode de compilation de filtres successifs, le document
poétique produit de nouvelles représentations de son propre
savoir qui peuvent, à leur tour, être manipulées,
recombinées, et accessibles aux autres processus
computationnels
[10]
. Pour dire les choses plus simplement, le document
poétique va se saisir dans le monde « réel »
de masses de données difficilement manipulables, et hétérogènes
quant aux logiques qui ont présidé à leur production,
et par une série de redescriptions recontextualisantes, il va
extraire ces logiques ou modèles de production, les manipuler
sous différents points de vue ou contextes jusqu’à
rendre au lecteur de nouvelles données que ce dernier pourra
« réimporter » dans le monde réel
pour s’en servir, de la même façon qu’il « vivait »
avec les données initiales traitées (par exemple, les
tableaux chiffrant le nombre de morts d’un conflit). La différence
entre l’input et l’output est que ce dernier,
passé par les filtres de redescriptions successives, s’est
chargé d’un pouvoir analytique fort, puisque, à
la fois, processus et produit, petite machine à redécrire
et produit d’une redescription, il pourra s’appliquer à
certaines situations, en fonctionnant comme un document poétique
transportable, comme dématérialisé. Transmission
de pouvoirs d’un document à son enfant et réinsertion
de données poétiques dans la vie professionnelle. Ce mouvement
d’entrée-sortie (input-output), cette capacité
à pouvoir renvoyer dans le monde réel des données
issues de ces documents, c’est ce que nous appelons une activité,
un pouvoir « actif » (au sens des lessives dotées
d’un oxygène actif). Plusieurs méthodes de redescriptions peuvent être
ainsi passées en revue. Une des méthodes consiste à
considérer qu’une redescription est d’abord la fabrication
ou la mobilisation d’un nouveau vocabulaire pour décrire
un objet. Remplacer les termes traditionnels par un lexique habituellement
utilisé pour d’autres objets afin de faire surgir des propriétés
implicites du matériau
[11]
. Ainsi, christophe hanna utilise-t-il richard nixon
pour énoncer des descriptions d’ovnis ou pour donner voix
au témoignage de sabine dardenne. On substitue un lexique à
un autre et on superpose, par ce procédé, deux mondes
jusqu’alors contigus. Mais la redescription ultime
[12]
consiste à se demander non plus comment décrire
un mot par d’autres mots ou une image par d’autres images,
mais au-delà, comment redécrire un mot par lui-même,
une image par elle-même. Cette méthode qu’emmanuel
hocquard désigne par le terme de « tautologie »
n’est en rien la reformulation du poncif poétique romantique
considérant qu’un poème ne peut être commenté
que par lui-même (cf. les lettres de rilke). Au contraire, ce
qu’entend hocquard par « tautologie » est
une sorte de traversée que connaîtrait un énoncé
à travers différentes énonciations : l’énoncé
« x » est prononcé une première
fois par monsieur blanc, répété par monsieur jaune
- il devient alors « « x » »
- monsieur orange, rouge, vert, bleu, etc., gagnant à chaque
passage un niveau de guillemet en plus. Si, littéralement, il
demeure totalement identique, son énonciation, en revanche, s’est
énormément complexifiée au cours de ses voyages
de bouche en bouche. La série de recontextualisations qu’il
aura connue l’aura finalement chargé de sens qu’il
ne possédait pas à l’origine (modèle du ménard
de borgès). Plus fort encore, cette recontextualisation peut
même se faire au sein d’une même phrase, et prononcé
par le même locuteur (deleuze appellerait cela une « déterritorialisation »
maximale) - les exemples sont légions, de « a
rose is a rose is a rose » à « vivianne
est vivianne ». En ce qui nous concerne, on peut dire que
le document poétique a comme propriété d’être
immédiatement décontextualisant : chaque phrase tirée
d’un discours ou d’un livre, chaque image photographiée
lors de tel événement ou tirée de tel film, acquièrent,
par le simple fait d’être replacés au sein d’un
document poétique, le statut d’ « énoncé »,
c’est-à-dire, d’objet flottant en attente d’une
recontextualisation (en cela, fictionnalisé).
Contrairement à la description, la redescription
n’a ainsi pas de fonction mémorielle (redécrire
en souvenir de…), telle que la pratiquent les Protestants lors
de l’eucharistie symbolique. La redescription s’apparente
encore moins à une ressuscitation, ou à quelque transsubstantiation
que ce soit, telle que peut être comprise, cette fois-ci, l’eucharistie
catholique, les mystères d’Eleusis, ou encore dans le monde
de l’art, la description par Ponge d’une figue
[13]
(figue posée sur un autel et, hostie laïque,
offerte à une ingestion textuelle par l’orifice de l’œil,
lisant). Si la redescription a à voir avec la représentation,
ce n’est donc pas dans le double sens courant de ce terme :
ni re-présentation, c’est-à-dire, réapparition
de la présence divine lors d’une cérémonie,
d’un rite religieux (avec fumée, vacarme, fascination et
respect, etc.), ni mime théâtrale, durant lequel serait
rejouée, sur le mode du simulacre, l’apparition du dieu
[14]
. La redescription, par une conversion des formats
et par une série de reformulations des énoncés,
accroît la manipulabilité des matériaux sources,
permet un meilleur traitement. Pour rester dans le même type d’exemple,
les redescriptions d’azulejos par l’artiste brésilienne
Adriana Varejaô mettant en scène des cannibales appliquant
littéralement le mot d’ordre « ceci est ma chair,
ceci est mon sang » sur des missionnaires fraîchement
débarqués, espérant ainsi accéder à
la « présence réelle », sont de
ce point de vue, d’abord une ressaisie des matériaux ayant
participé à la constitution des mythologies identitaires
de la culture brésilienne au XVIe siècle
[15]
. Ni fonction mémorielle, ni fonction de transsubstantiation,
la redescription, telle qu’élaborée par les sciences
cognitives, est un procédé d’apprentissage.
En cela, elle s’apparente à un outil de conquête
de territoire, participant d’une volonté de maîtrise
et de contrôle sur un environnement non pas hostile mais inconnu
[16]
- se glissant par là au sein d’une tradition
cartésienne ?… Et par là, la redescription
est d’abord une affaire de cartes, elle est une méthode
à dresser des cartographies - cartographies de l’histoire
des Etats-Unis pour Reznikoff, cartographies des « affaires »
du monde pour Lombardi. Car la nécessité d’une carte
se justifie dans deux situations : soit pour se situer, apprendre
à se repérer, à s’orienter (nord, sud, est,
ouest, ou encore, comment faire pour rejoindre, depuis les douches obligatoires,
la piscine des enfants lorsqu’on sait qu’entre les deux,
un monde inconnu promet les pires angoisses à l’individu
qui s’y égarerait), soit, à l’inverse, pour
se sortir d’une mauvaise passe, trouver des lignes de fuite quand
la situation semble bloquée par des raisons « objectives »,
« nécessaires ». comprendre où l’on
se trouve, ou partir au plus vite. Faire le point ou prendre la tangente.
Les cartes de Christophe Hanna, comme Boïnaï, Marcinelle ou
encore Soccoro, ne proposent, selon moi, pas d’autres services. Les cartes ne fonctionnent pas uniquement, bien sûr,
sur un registre topographique. Leur espace est aussi éthique,
juridique, historique, etc. Les storyboards ne sont évidemment
pas un relevé des does and donts de la morale, distinguant
des frontières, nettes ou incertaines, entre le Bien et le Mal,
telles que pourraient le faire une carte de Morale (à la façon
de la carte du Tendre) qui indiquerait les terres conquises et les terra
incognita aux côtes encore floues et aux débats non
encore tranchés, mais ils dessinent les zones où les choses
se jouent, où la question de la construction de « l’ignoble »
peut avoir lieu - plus que des matrices génératrices,
ils sont les lieux où se fabriquent ces matrices. Où l’éthique,
le politique, le juridique, l’esthétique sont encore mêlés,
soit parce que ces cartes sont, comme par hasard, des zones de convergences,
soit parce qu’au contraire, elles signent un temps où ces
plans ne sont pas encore distingués, ou pour le dire avec Schumpeter,
« désencastrés » (desembedded)
- moment avant la création d’une nouvelle réalité,
transition entre deux époques, post-chaos mais pré-ré-ordonnancement
du monde. Les redescriptions participent à la fabrique de
cartes poétiques. En cela, elles doivent être prise en
tant que fonction ou en tant qu’outil, avant d’être
lues comme un genre. Et c’est en cela qu’elles appellent
à un usage, actif, fonctionnant dans le contexte de leur contemporanéité.
Fabriquées en vue de traiter une situation. Aussi, lorsque
le contexte environnant s’est par trop modifié, le document
poétique perd toute possibilité d’activité
et d’activation, et s’en va rejoindre les autres documents
historiques que sait si bien traiter l’Histoire de l’Art.
Telles les bananes de Jean-Paul Sartre (« consommez les textes
immédiatement dans leur urgence d’écriture ou ils
pourriront sur l’arbre », disait-il en substance),
les documents poétiques, par un mouvement vers la vie, sont toujours
destinés à un usage du quotidien, fuyant par là
leur futur demeure que sont les caisses d’archives des musées
et leur futur statut d’objets sacralisés imposant le respect
du spectateur éloigné (« oh ! c’est
beau ! »)
[17]
. On n’a jamais respecté une carte IGN autrement
que lorsque l’on était dans une mauvaise passe, perdu dans
la forêt à une heure du matin, en entendant les loups hurler
à la faim (ou perdu dans le désert, sans aucun indice,
tels les deux protagonistes de Gerry, de Gus Van Sint). Et pour
fabriquer ces cartes « redécrivantes »,
les documents poétiques utilisent différents procédés :
des descriptions au sens classique, tel que nous l’avons vu avec
les travaux de Philippe Hamon ou les usages d’Emmanuel Hocquard ;
des listes (Vaduz, de Bernard Heidsieck, l’ABC de la
barbarie, de Jacques-Henri Michot) ; des fonctions sommaires,
des synthétisations (exercice fluxien : « résumez
en trois lignes les trois dernières années de votre vie »
- ou encore des tableaux récapitulatifs dont l’agence Reuters
s’est fait une spécialité, imposant par
là sa marque de fabrique sur les autres agences de presse, comme
l’AP ou l’AFP) utilisant des outils comme les « images-clés »
des logiciels de montage (Final Cut Pro) ou les moments-pivots
d’une narration (les péripéties, plutôt
que les moments d’attente…
[18]
) ; des collages / montages de différents
modes sémiotiques (images, textes, son) ou de différents
régimes d’énonciation (témoignages de voix
hétérogènes issus d’une multiplicité
de sources, commentaires, textes théoriques, etc.) - désignés
quelquefois par le terme de multi-fenêtrage. Tous ces procédés, nous les retrouvons
dans les documents régulièrement produits par les ONG
[19]
. Ce qui distingue donc ces derniers documents des
documents poétiques, nous le disions à la fin du premier
volet de cet article, ce n’est ni une ressemblance formelle -
nous serions alors dans un registre potentiellement parodique, avec
pratiques de détournement, et volonté de « dévoilement
de la vérité vraie, obscurcie par une idéologie
pratiquant un illusionnisme abrutissant les masses », etc.,
ni en fin de compte les procédures opérant à la
fabrication des documents : bien souvent, ces dernières
sont souvent similaires - mais non identiques - impliquant une recherche
en plongée dans des archives, dotée de méthodes
de traitement somme toutes assez élaborées, etc. Ce qui
les distingue donc, outre leur contexte d’arrivée - qui
lira ? quel type de validation sera effectué et dans quel
but ? - (élément, on le voit, essentiel pour déterminer
la scientificité d’une étude), ce sera que le document
historique ou juridique ne sera toujours, face à la masse déjà
existante de documents historiques ou juridiques, qu’un
document de plus venant s’y ajouter (il sera un échantillon
parmi d’autres), quand le document poétique sera un échantillon
au sens d’exemplarité archétypale, élaborée
sur un mode assez complexe, de collages/montages d’énoncés
ou d’images implémentées, exemplifiés, etc.
[20]
- lieu de formation des matrices productrices de
futurs documents et d’instances énonciatives. La différence
se joue ainsi sur le double sens des mots « échantillon »
ou « exemple ». Et s’il existe un moment
important dans la vie d’un document poétique, c’est
bien le passage d’un sens à l’autre : en tant
qu’échantillon paradigmatique, chaque nouveau document
vient réorganiser et réordonnancer l’ensemble des
documents préexistants, en tant qu’item historicisé
(et non plus historicisant), il ne vient que se surajouter à
une masse déjà existante. Ainsi pourrait-on résumer
la vie et la mort d’un document poétique et de ses propriétés
actives, le passage d’un principe de réordonnancement à
une logique cumulative étant probablement son chant du cygne.
La question n’est plus celle de la transitivité
ou de l’intransitivité, de l’autotélie ou
de la référentialité car les lignes de partage
se tracent différemment : le document poétique est
transitif parce qu’il est actif, c’est-à-dire, traversé
par des flux d’informations entrant et sortant (inputs-outputs),
il ne cesse de convertir, traduire et reformuler des degrés de
réalités hétérogènes internalisées
qu’il ré-externalise ; parce qu’actif, le document
poétique est intransitif, c’est-à-dire, irrécupérable
(comme tout bon avant-gardiste). Lorsque son activité diminue (times are changing),
il rejoint les caisses d’archives où d’autres documents
l’attendent pour, à son tour, être traité,
puis n’être plus que contemplé
[21]
. . [1] Ce qui ne signifie évidemment pas que la relation soit réciproque (a=b n’implique pas b=a car il n’y a pas identité). [2] Pour des développements plus précis concernant les questions du pantonyme et des questions de co-référence, je renvoie à l’ouvrage de Ph. Hamon, "Qu'est-ce qu'une description?" Poétique, 12, 1981, p. 465-485. [3] L’exemple proposé m’a été suggéré par la petite Lucie Chataigné.
[4] On voit donc que la notion d’ajustement implique une temporalité (dans laquelle se déroule la série d’erreurs-corrections) et un calcul statistique (inscrire dans le modèle le plus grand nombre possible de données). [5] Si les premières expériences ont eu lieu sur des enfants de 3 à 6 ans, le modèle ne formalise pas des périodes précises de l’enfance – contrairement aux travaux de piaget portant sur l’apprentissage. Cette capacité à redécrire est, en réalité, constamment sollicitée tout au long de notre vie, sans que l’on y prête pour autant attention, et c’est en cela qu’elle nous intéresse. [6] Au sens où l’entend karl polanyi (embedded). [7] Le modèle, ici, finalement visé est, en fait, celui d’un programme qui, à l’instar d’un enfant, saurait se « débugger » lui-même, c’est-à-dire, serait capable non seulement de retour en arrière, sur lui-même (réflexivité) mais aussi, de modifier lui-même son propre programme afin d’éliminer peu à peu les erreurs contenues - processus que l’on nomme, il me semble, dans les sciences du vivant, l’évolution. [8] Le mouvement vers une plus grande abstraction, articulé aux différentes redescriptions, ne doit en aucun cas s’apparenter à un axe vertical (abstraction)doublé d’un axe horizontal (redescription). Si l’on tenait à modéliser cela sous la forme d’un axe, il faudrait plutôt imaginer une série de cercles tournant sur eux-mêmes (les routines rendues possibles par des règles procédurales mais inaccessibles à la conscience) qui avanceraient le long d’un axe (redescriptions thématisant verbalement ces règles procédurales afin d’obtenir une plus grande flexibilité des routines et de leur usage) - (schéma proposé par pierre steiner). [9] Ce type de lecture a pu être parfois avancé pour reznikoff et thoreau. [10] Et l’on comprend ainsi que le premier geste, le geste initial, d’ouverture, n’est jamais premier chronologiquement, du point de vue d’une redescription, car la redescription étant un processus d’appropriation, ce qui est dit d’abord n’est pas encore « en propre ». À l’instar de l’enfant, l’action est accomplie « on-line » et non pas « off-line ». Pour penser un premier geste déjà redécrit et approprié, on ne peut faire l’économie de concepts comme celui d’habitus ou d’incorporation. L’exemple contemporain le plus probant est le logiciel créé par l’ircam, Max / MSP, permettant aux musiciens de travailler en « temps réel » : un son pur se modifie en passant à travers différents filtres ou patches, pour se complexifier peu à peu. Mais il faut quelques minutes et quelque recherche dans l’ordre des patches à activer pour que le son « prenne », d’où des premières minutes souvent un peu confuses car minutes de recherche. [11] Telle est d’ailleurs l’une des tâches assignée par Richard Rorty à la philosophie, Conséquences du pragmatisme, Seuil, Paris, 1982, trad.1993. [12] l’adjectif s’entend ici, bien entendu, non pas dans son acception chronologique, mais dans le degré d’application du procédé. [13] Pourquoi une figue de parole et comment, Flammarion, 1997, préface de jean-marie gleize. [14] Sur ce double sens de « représentation », voir bien sûr La Naissance de la tragédie grecque de Nietzsche, ainsi que la lecture de ce texte proposée par A. Danto, in La Transfiguration du banal, Seuil, 1989. [15] Voir, sur ce point, évidemment l’Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil de Jean de Leyris. [16] Là encore, la petite lucie chataigné me suggère un exemple des plus intéressant : celui de christophe colomb dessinant des cartes de quelque chose qu’il ne connaît pas mais qu’il va transformer, par la carte même, en matériau manipulable puisque transformé en une forme de savoir doté de coordonnées. Là encore, le procédé d’apprentissage et l’outil de contrôle du territoire se mêlent pour ne faire qu’un. [17] On peut reformuler la chose sur un mode moins lyrique en prenant simplement en considération les questions d’ajustements dont nous traitions au début de l’article. Les redescriptions sont des procédures cognitives permanentes et continuelles chez l’individu et ne sont en rien « réservées » à l’enfant. C’est pourquoi il est logique, d’un point de vue interne, de modifier régulièrement ses propres documents poétiques et de considérer, d’un point de vue externe, que ces documents-là n’ont qu’une durée de vie limitée. [18] Pour une démonstration brillante de ce qu’est une narration, voir la vidéo de Daniel Foucard, Bon Sens / Mauvais Sens, 2001. [19] le dernier en date étudié de près étant le « indict sharon », www.indictsharon.net [20] Voir sur cette question, Nelson Goodman, Langages de l’Art, éd. Jacqueline Chambon, Nîmes, 1990, et Olivier Quintyn, « du dispositif collagiste : une approche opérationnaliste », revue francophone d’esthétique, n°3, 2005. [21] Il va de soi que ce mini-récit de la vie et mort d’un document poétique n’est pas nécessairement historique, mais se pense comme une déclinaison des usages logiques - qui peuvent être activés simultanément par des personnes différentes. L’aspect historique ne se justifie ici que d’un point de vue collectif.
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