par Alain VUILLEMIN Professeur à l'Université d'Artois Centre d'Etudes et de Recherches sur les Textes Electroniques Littéraires Cet article a été initialement publié dans Alire/DOC(K)S, "SOFT-DOC(K)S", 1997 Un rêve meut les poètes contemporains, celui d'accéder à l'art pur, celui de saisir ou seulement d'entrevoir, ne fût-ce que l'espace d'un instant, d'une manière fugitive, ce qui constituerait " l'évanescence absolue, l'unité jamais appréhendable " (1), " la profonde et fuyante unité " (2) de l'art, de la création poétique, artistique, esthétique, littéraire, picturale, visuelle, musicale, sonore, ou autre encore. L'art est un, la " poésie est partout (3), les oeuvres deviennent ouvertes et les " poèmes " ignorent désormais les distinctions traditionnelles. Ils traversent les frontières géographiques et politiques, ils manifestent aussi la continuité de cette quête depuis plus d'un siècle, de Rimbaud ou de Mallarmé à Apollinaire, sans oublier, plus près, Ségalen, Michaux, Char, Ponge, De Campos, pour ne citer que quelques uns de ces précurseurs qui avaient déjà pressenti, en France ou ailleurs, que l'écriture poétique n'était plus seulement celle des mots mais aussi celle des signes, des sons, des images, des figures, des gestes, des voix, des corps. Avec l'informatique, à partir de 1959 et avec les toutes premières tentatives de création de vers libres électroniques, en allemand d'abord puis en anglais et en français et en italien aussi, pointe enfin, peut-être, " cette poésie dégagée de la langue de papier que cherchent les poètes du XX° siècle " (4). De cette intuition initiale, des manifestations, les expositions d'Europalia à Bruxelles en 1976, des Immatériaux à Paris en 1985, ont tenté d'en apporter la preuve. A partir de 1989 et de 1990, ce sont des revues de poésie électronique, alire et KAOS, les cheminements qui ont été adoptés pour essayer d'explorer ces formes nouvelles de la poésie sont devenus extrêmement nombreux. On n'essaiera pas de les inventorier tous. On se contentera d'en présenter succinctement les principales approches, depuis les plus anciennes, les premières, jusqu'aux plus récents, les plus immédiatement contemporaines. I. LES APPROCHES INITIALESLes approches initiales ont été empiriques. Tout était nouveau. Tout était à découvrir. Il fallait se livrer à des expérimentations, réfléchir sur les processus de l'activité créatrice, explorer de nouvelles idées, formaliser aussi les contraintes d'un ordre rhétorique, langagier ou scientifique, dont il fallait tenir compte dès lors que l'on voulait recourrir à l'informatique. L'approche expérimentale: L'approche expérimentale fut la première pratique, en 1960, et ne dura que l'espace d'un éphémère " Séminaire de Littérature Expérimentale " fondé cette année-là par Raymond Queneau et par François Le Lionnais, qui se transforma dès sa seconde réunion en l'" Ouvroir de Littérature Potentielle ", l'" Oulipo " en abrégé. Pour François Le Lionnais, la vocation de cette " littérature expérimentale " était de " partir en éclaireur pour tâter le terrain, y trouver trace des pistes nouvelles, s'assurer si telle route finit en impasse, si telle autre n'est qu'un chemin vicinal, si telle autre enfin amorce une voie triomphale... " (5). Il en a résulté une oeuvre, Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau, un recueil de dix sonnets dont chaque vers était imprimé sur une languette de papier différente. Plus de cent mille milliards de poèmes nouveaux pouvaient alors être recréés à volonté, seulement en ouvrant le livre au hasard. Tel était le principe de cette création initiale qui explorait ainsi l'application de la notion informatique de permutation, en un temps (jusqu'aux années 1975) où les littéraires avaient difficilement accès aux ordinateurs. Depuis, ce recueil, Cent mille milliards de poèmes a été traduit en une dizaine de langues différentes, a connu de nombreuses versions informatisées, a inspiré d'autres auteurs comme Miguel de Asén en Espagne et apparaît comme la première " création créante " (6) , la première véritable " création " permise par l'informatique. L'approche rhétorique: La seconde approche pratiquée fut rhétorique, en France du moins, dès 1960. Dès sa création, en effet, l'Oulipo eut le souci de mettre en chantier une " H.L.E. ou Histoire des Littératures Expérimentales " (7) qui aurait porté sur des oeuvres anciennes, susceptibles de servir de précédents ou de modèles aux travaux qui étaient alors envisagés. Ces préoccupations se sont très vite déplacées vers une étude systématique de " tous les aspects formels de la littérature : contraintes, (...) structures alphabétiques, consonnantiques, vocaliques, syllabiques, phonétiques, graphiques, prosodiques, rimiques, rythmiques et numériques " (8)...C'était privilégier la rhétorique, l'art d'écrire, les procédés techniques. La référence aux Grands Rhétoriqueurs français du XVI° siècle et à tous leurs précurseurs depuis l'Antiquité la plus reculée s'en est trouvé justifiée. Ces ancêtres revendiqués auraient pressenti par intuition ou par anticipation les virtualités que l'Oulipo se proposait d'explorer sciemment. Appliquée à la poésie, la démarche s'est surtout efforcée d'étudier les formes de versification traditionnelle, le sonnet mais aussi le dizain, le quatrain, le tercet, les haï-kaï, la litanie, la morale, la quenine, la sextine, le triolet, ou les permutations à l'intérieur d'un poème, les palindromes, les lipogrammes, les oligogrammes, les antonimes, le holorimes, les holopoèmes, les antirimes, jusqu'à composer des poèmes à métamorphoses, des poèmes corpusculaires, des poèmes oscillatoires. Les publications de l'Oulipo, La Littérature potentielle en 1973, l'Atlas de Littérature potentielle en 1981, et les trois volumes de la Bibliothèque Oulipienne parus entre 1987 et 1990 donnent une idée de la richesse de ces explorations. Leurs transcriptions informatisés correspondantes ont été présentée en 1976 à Bruxelles, en Belgique, lors des Europalia, et en 1985 à Paris, en France, lors des Immatériaux. L'approche langagière: Une approche langagière, plus audacieuse, a aussi accompagné d'emblée ces recherches formelles. L'Oulipo voulait " ouvrir de nouvelles voies inconnues " (9), proposer des techniques de création inédites, " au besoin en recourant aux bons offices des machines à traiter l'information " (10), c'est-à-dire des ordinateurs. La " littérature définitionnelle " ou " sémo-définitionnelle " et son avatar dans la poésie, le L.S.D. poétique 11, imaginés dès 1967 par Raymond Queneau, par Marcel Benabou et par Georges Perec, en sont l'un des premiers exemples que l'on puisse citer. Le principe est simple. L'on part de textes poétiques qui existent déjà, une phrase de Raymond Roussel, une pensée de Pascal, un ou plusieurs énoncés quelconques, on en dégage le squelette, la construction syntaxique, et le vocabulaire, auquel on peut substituer d'autres listes de mots, d'autres lexiques. Le procédé consiste à remplir le " moule " ainsi obtenu par une " farce " de mots, et à produire de la sorte un texte inédit au terme d'une série de transformations langagières. Le XLI° Baiser d'amour de Quirinus Kuhlmann était déjà construit au XVII° siècle sur ce partage entre une partie fixe et des lacunes. Les Aphorismes imaginaires de Marcel Bénabou, Rimbaudelaire de Pierre Lusson et Jacques Roubaud, Stéphie Mallarm de Paul Braffort, Pierre Lusson, Jacques Roubaud, Haïkus par Jean-Pierre Balpe et Jacques Roubaud, en ont été ultérieurement autant d'applications, regroupées depuis par l'Alamo, sur une suggestion de Marcel Bénabou, sous le titre générique de TALC (pour " Traitement Automatique du Langage Cuit "). L'image est culinaire. Le projet informatique était plus sérieux. Il s'agissait de définir les premiers programmes de traitement " applicationnels " appliqués à la création poétique. L'approche implicationnelle: Une autre approche, " implicationnelle " (12) ,s'est superposée par la suite, à partir de 1981, avec la création de l'association ALAMO (pour " Association pour la Littérature Assistée par la Mathématique et l'Ordinateur ") et avec les progrès de la science informatique. Un nouveau niveau de création était découvert. L'usage des ordinateurs devenait plus répandu. Ils étaient désormais dotés d'un écran. L'insertion de systèmes-experts dans les programmes de traitement de l'information augmentait aussi les ressources créatrices des auteurs. De cette époque date les premiers générateurs de textes, diffusés ultérieurement par la revue électronique KAOS entre 1990 et 1993, et aussi, en 1993 par la revue Action poétique, et réédités enfin depuis 1995 par la maison d'édition Ilias dans sa collection " Générations ". Un autre prolongement, repris d'une idée exprimée dès les années 1960 au temps de l'Oulipo mais menée à bien par l'Alamo, a consisté à explorer l'" algorithmique littéraire " (13), puis la notion d'un langage de programmation conçu spécialement pour des applications littéraires, et enfin la réalisation de " littéraciels ", de logiciels de création de textes, y compris poétiques. Il en existe désormais un certain nombre, qui étaient diffusés par l'Alamo en 1996, en France comme aux Etats-Unis. Ailleurs, en Nouvelle-Zélande, en 1995, à Hamilton, auprès de l'université de Wakaito, c'étaient d'autres modèles de génération de poésie parodique en langue anglaise qui étaient en cours d'élaboration (14). II. LES APPROCHES RECENTESDepuis 1990, une innovation technologique décisive s'est produite : les ordinateurs sont devenus " multimédias ". Ils étaient capables de produire des textes. Ils pouvaient montrer des images. Ils peuvent désormais " parler ". L'intégration du texte, des images et du son est une donnée technique nouvelle qui a élargi le champ des investigations entreprises à d'autres domaines de la création, à la poésie visuelle, animée, sonore, dynamique. Des revues électroniques, KAOS entre 1990 et 1994, alire dès 1989, se sont créées. D'autres approches, plus récentes, sont apparues, sémiologiques, fonctionnelles, esthétiques, voire empiriques. L'approche sémiologique: Telle qu'elle commence à être appliquée à la poésie électronique, l'approche sémiologique ou sémiotique vient d'ailleurs, du monde de l'audiovisuel et aussi de la philosophie et de la sociologie. L'art est conçu comme un " phénomène de communication " (15) social, dont le langage se compose de signes, de symboles convenus, dont les significations sont construites, inventées par un artiste, émises par l'intermédiaire d'une oeuvre, d'une création, le " message " et enfin comprises, interprétées par ceux qui la reçoivent, à savoir les autres, le public. Ces signes sont visuels, sonores, langagiers. Ils peuvent être encore d'une autre nature. Dès 1971, dans Art et Ordinateur, Abraham M. Moles avait eu l'intuition que la diffusion des ordinateurs allait profondément transformer les conceptions esthétiques établies. Il en avait pressenti les répercussions sur la création poétique, en particulier sur la " littérature permutationnelle " (16). Il a repris ses idées sous une forme enrichie dans une réédition, faite en 1990, de son livre sur Art et Ordinateur. Ces convictions ont été reprises en France par Fred Forest, sur la pratique de l'" Art sociologique " (17) et sur les bouleversements que les arts médiatiques produisent sur l'esthétique de la communication. La même démarche est reprise au Portugal, par Pedro Barbosa et par Abilio Cavalheiro, en particulier dans Teoria do homen sentado (Théorie de l'homme assis). L'approche fonctionnelle: L'approche fonctionnelle, c'est tout au contraire la manière dont les fondateurs de la revue alire, le groupe L.A.I.R.E. (pour " Lecture-Art-Innovation-Recherche-Ecriture "), Frédéric de Velay, Tibor Papp, Philippe Bootz, Jean-Marie Dutey et Claude Maillard, ont appréhendé en France leur propre expérience. Ils voulaient " promouvoir une revue littéraire dont le suppport ne [serait] plus le papier " (18). En 1994, dans la revue Littérature, Philippe Bootz en proposait un bilan, explicitant la nature de l'approche adoptée par la plupart des auteurs qui s'étaient exprimés entre 1989 et 1996 dans la revue alire. Ce faisant, il était amené à constater, à ce propos, que la situation antérieure du " texte comme " généré " et de la littérature comme " assistée " [disparaissaient] totalement avec L.A.I.R.E. " (19). Il ne s'agissait plus de proposer des textes générés mais des " textes-à-voir " (20), des " textes-à-lire " (21), des " textes-lieux ", qui débordent les conceptions strictement linguistiques du texte qui étaient celles de l'Oulipo et de l'Alamo. Il en résulte des " poèmes lieux " (22) qui n'existent pas à l'avance, qui peuvent n'exister qu'une seule fois, à l'instant d'une lecture unique, fugitive, éphémère, qui ne pourra jamais être reproduite, bref, un lecture paradoxale où l'acte de lecture se transforme en un acte d'" écrilecture " (23), où la " lecture " d'un texte interactif se transforme en un processus de récriture. Cette vision " fonctionnelle " tend à renverser les perspectives communément admises de l'acte poétique, en privilégiant en particulier le rôle du lecteur dans l'élaboration de ce qu'il découvre sur un écran. Le lecteur, l'" écrilecteur " devient le principal élément fondateur du texte qu'il lit ou qu'il voit, et non plus son auteur initial. C'est la conception même, traditionnelle, de la création littéraire, qui se trouve ébranlée. L'approche esthétique: Les approches esthétiques et savantes qui commencent aussi à se manifester depuis 1990, avec les travaux de Michel Lenoble au Canada, à Montréal, sur la littérature générée par ordinateur, ou d'Ambroise Barras à Genève, en Suisse, sur l'avenir de la littérature à l'ère de l'informatique, essaient d'approfondir ce qu'il en serait de cette transition ou de cette rupture avec la littérature traditionnelle. L'attitude est historique et érudite. Il s'agit, pour chaque texte ou pour chaque poème produit par un ordinateur, de savoir qui l'a conçu, qui en fut le concepteur ou l'auteur, comment en était conçu l'interaction ou l'interactivité, qu'elle était la part d'intervention laissée au lecteur, à l'utilisateur, et, de proche en proche, d'apprécier les implications théoriques sous-jacentes, les visées esthétiques déclarées, voire la possibilité d'en reconstituer la genèse. Ce sont des typologies et des classifications littéraires inédites qui sont à inventer. Ce sont aussi toutes les modalités de la recherche en littérature qui sont à repenser sur un plan méthodologique et épistémologique dans la mesure où le livre, l'imprimé, n'est plus l'unique instrument de diffusion des textes. Désormais, la critique littéraire est contrainte d'élargir sa visée vers un objet plus large, un " objet d'art multimédia " (24), sans frontières nettes avec les autres arts. L'approche empirique: Les approches à privilégier doivent-elles être empiriques, au moins pendant une période provisoire ? Une autre démarche, celle qui a été pratiquée par Arnaud Gillot à l'Université d'Artois en 1996 dans un travail sur " La notion d'" écrilecture " à travers les revues de poésie électronique " KAOS " et " alire " (1989-1995), a consisté à seulement décrire ce que le lecteur voit défiler devant lui, sur un écran, d'une manière insolite, avant de tenter de porter une appréciation. Or, ce qui est " vu " sous une forme animée sur un micro-ordinateur personnel ne s'assimile pas à ce que l'on peut " lire " sur un livre. Le texte d'un poème électronique acquiert une vie propre. Il se dématérialise. Il devient mobile. Il connaît une existence éphémère, mouvante, incertaine, parfois unique, à moins qu'il ne s'y " substitue qu'à lui-même, mue constamment, se change à tout moment en cet autre texte qu'il est également, toujours inscrit dans la nouveauté radicale d'un éternel maintenant " (25). Il ne subsiste qu'à l'état de rémanence, d'impressions fugitives dans la mémoire de son lecteur ou de son spectateur. Il n'acquiert alors le statut de texte que dans l'exacte mesure où celui qui le lit l'accepte. L'attitude du lecteur devient déterminante. Son jugement ultérieur sera affecté. Or, là, peut-être, git la difficulté comme Michel Lenoble l'observait en 1993 dans la revue Texte : " la génération actuelle des lecteurs n'a pas encore développé de réflexes, d'habitudes d'appréhender [ce] nouvel objet [les écrits électroniques] (....) il s'agit, en fait, d'apprendre à décrypter le non-dit du texte électronique, l'implicite du texte virtuel... " (26) avant d'être en mesure d'en juger. Cet apprentissage sera long. Il ne sera jamais achevé. Il pourrait être aussi une promesse de renouvellement de cette littérature et de cette poésie.
De cette tentation d'un art total, où l'informatique et les nouveaux médias réussiraient à se fondre pour proposer aux poètes des modes d'expression inédits, un poème généré de Jean-Pierre Balpe, intitulé Les Tentations de Tantale, en condense les paradoxes sans doute irréductibles. On n'en citera qu'un seul fragment, produit sous la forme d'un sonnet libre par un ordinateur le dimanche 12 décembre 1993, à propos de l'écriture poétique : " pour toujours elle s'échappe ou s'échappe à l'intensité de sa fureur pour toujours il se refuse ou se refuse à la rage de sa chair à jamais elle se dérobe et se dérobe à l'appel de l'oubli à jamais il s'échappe et s'échappe à la force de la tentation
éternellement elle se dérobe ou se refuse à l'immanence de la perte à jamais il se dérobe ou s'échappe à la chair de l'inattention éternellement elle se dérobe ou s'esquive à la tension de la brûlure sans fin se dérobe et se dérobe à la morsure de la passion
à jamais elle s'échappe ou se refuse à l'intention de la volupté inexorablement il se dérobe ou s'échappe à l'inattention de la force inexorablement il se refuse et se dérobe à la chair de sa chair
éternellement elles se dérobe et se refuse à la fureur de sa brûlure sans fin il se dérobe et se dérobe à la volupté de sa disparition éternellement il se dérobe ou se dérobe à la force de sa chair " (27).
La création ne serait que l'exacerbation de cette " recherche perpétuelle de l'assouvissement d'un désir jamais assouvi sans dénaturation totale " (28). Une rupture s'est produite. Une révolution esthétique et poétique est en train de s'accomplir. Les avant-gardes littéraires de la fin du XIX° et du début du XX° siècles l'avaient pressenti. L'informatique, les ordinateurs, les nouvelles technologies en sont devenus l'instrument. Ce sont aussi de " nouvelles formes de la pensée poétique actuelle qui se déclinent avec la technologie " (29), observait en 1995 un autre poète italien, Gianni Toti. L'électronique offre à tous les artistes la possibilité de créer un " art complexe, total " (30), nouveau, dont les ressources potentielles se révèlent vertigineuses. Mais, comme le ressent Jean-Pierre Balpe, cette aspiration recèle sa propre insatisfaction, radicale. A l'inverse, cette contradiction, insurmontable, est peut-être la condition même du renouvellement et de la vitalité de cette autre forme de littérature qui est en train de naître. Car, si vraiment, une littérature close est morte, si " une littérature arrêtée, une forme littéraire figée, ne parlent que d'un monde mort " (31), si la poésie n'a de signification qu'à la condition de rester indéfiniment renouvelée, et donc à jamais inachevée, à jamais ouverte, alors l'informatique, les nouvelles technologies, ne servent qu'à " mettre en scène son éternel supplice de Tantale " (32), sa soif éternelle d'absolu, son besoin éternel de recommencement.
1 CASTELLIN Philippe : " Présentation ", in SPATOLA Adriano : Vers la Poésie Totale/verso la Poesie Totale (1978), Marseille, Editions Via Valeriano, 1993, p. 15. 2 Ibid, p. 15. 3 Ibid, p; 14. 4 BOOTZ Philippe : " Poésies en machinations ", in Littérature/Informatique et littérature, Paris, Larousse, 1994, n°96, p. 65. 5 LE LIONNAIS Franÿois, " Postface ", in QUENEAU Raymond, Cent mille milliards de poèmes, Paris, Gallimard, 1961, p. 249. 6 LE LIONNAIS Franÿois : " La LIPO (Premier manifeste) ", in OULIPO : La Littérature potentielle, Paris, Gallimard, 1973, p. 21. 7 LESCURE Jean, " Petite histoire de l'Oulipo ", in OULIPO : La Littérature potentielle, Paris, Gallimard, 1973, p. 27. 8 LE LIONNAIS François : " Le second manifeste ", in OULIPO : La Littérature potentielle, Paris, Gallimard, 1973, p. 19-20. 9 LE LIONNAIS François : " La Lipo (Le premier manifeste) ", in OULIPO : La Littérature potentielle, Paris, Gallimard, 1973, p. 17. 10 Ibid, p. 17. 11 Voir BENABOU Marcel, PEREC Georges : " L.S.D. Poétique ", in OULIPO : La Littérature potentielle, Paris, Gallimard, 1973, p. 129. 12 BRAFFORT Paul, JONCQUEL-PATRIS Josiane : " Alamo, une expérience de douze ans ", in VUILLEMIN Alain, LENOBLE Michel (Eds) : Littérature et informatique : la littérature assistée par ordinateur, Arras, Artois Presses Université, 1995, p. 175. 13 BRAFFORT Paul : " Un système formel pour l'algorithmique littéraire ", in OULIPO : Atlas de littérature potentielle, Paris, Gallimard, 1981, p. 108. 14 SMITH Tony C. : " Modèles de génération de poésie parodique ", in VUILLEMIN Alain, LENOBLE Michel (Eds) : Littérature et informatique : la littérature générée par ordinateur, Arras, Artois Presses Université, 1995, p. 203. 15 MOLES Abraham M. : Art et Ordinateur, Paris, Blusson, 1990, p. 17. 16 Ibid, p. 162. 17 FOREST Fred : " Manifeste pour une esthétique de la communication ", in POISSANT Louise (Eds) : Esthétique des Arts médiatiques, Sainte-Foy (Québec), Université du Québec, 1995, t. 1, p. 27. 18 PAPP Tibor : " A regarder, à écouter, alire ! ", in BOOTZ Philippe et alii : A :\Littérature, Lille-Roubaix-Villeneuve d'Ascq, CIRCAV-GERICO-MOTS-VOIR, 1994, p. 54. 19 BOOTZ Philippe : " Poésies en machinations ", in Littérature/Informatique et Littérature, Paris, Larousse, 1994, n°96, p. 62. 20 Ibid, p. 63. 21 Ibid, p; 65. 22 Ibid, p. 68. 23 Voir GILLET Armand : La notion d'" écrilecture " à travers les revues de poésie électronique " KAOS " et " alire " (1989-1995), Arras, Université d'Artois, 1996. 24 LENOBLE Michel : " Pour une esthétique de la littérature ", in POISSANT Louise : Esthétique des Arts médiatiques, Sainte-Foy (Québec), Université du Québec, 1995, t. 2, p. 331. 25 BALPE Jean-Pierre : " Pour une littérature informatique : un manifeste ", in VUILLEMIN Alain, LENOBLE Michel : Littérature et informatique : la littérature générée par ordinateur, Arras, Artois Presses Université, 1994, p. 25. 26 LENOBLE Michel : " Une génération perdue ", in Texte. Revue de critique et de théorie Littéraire / Texte et informatique, Toronto (Ontario), Université de Toronto, 1993, n°13/14, p. 49-50. 27 BALPE Jean-Pierre : " Les Tentations de Tantale " in Texte. Revue de critique et de théorie Littéraire / Texte et informatique, Toronto (Ontario), Université de Toronto, 1993, n°13/14, p. 45. 28 Ibid, p. 46. 29 TOTI Gianni : " Le projet d'art total à l'ère électronique ", in POISSANT Louise (eds) : Esthétique de arts médiatiques, Sainte-Foy (Québec, Presses de l'Université du Québec, 1995, t. II, p. 313. 30 Ibid, p. 314. 31 Ibid, p. 44. 32 Ibid, p. 46. |