MINES...
Je me veux poète (si je pouvais le faire avec le logiciel que j'utilise je barrerais le mot) , la poésie est sans épithète, ni ceci ni cela, ni tête, ni éti. Concerné par l'actuel développement des pratiques liées à l'informatique ou au multimedia, je ne ressens pas l' apparition des formes technologiques de la poésie ou de l'art (deux mots synonymes ? ) comme un progrès . Tout est co-présent au fond d' un événement unique. Je me suis intéressé depuis longtemps aux formes poétiques permettant dans le langage le recours à des signes divers, icones, sons, gestes, verbe. Ces choses peuvent être employées ensemble, séparément ou diversement combinées et cela donne par exemple la poésie concrète, la poésie visuelle, la performance etc: par définition la liste est ouverte. LE POEME EST LA SOMME DE L'ENSEMBLE INFINI DES FORMES A L'INTERIEUR DESQUELLES IL SE SENT TOUJOURS EGALEMENT A L'ETROIT. Le recours à l'informatique facilite ces greffes qui ont été rêvés par les antennes des poètes depuis plus d'un siècle, avatars multiples.
Bien entendu ce recours, à lui seul, ne garantit rien en ce qui concerne l'intensité du résultat, la poésie. Un excellent programmeur est un excellent programmeur, rien de moins (Vivendi embauche) mais rien de plus, en tout cas pas NECESSAIREMENT un poète. "Virtuosité"= hors propos. Du coup le fait qu'un poème soit écrit de telle ou telle manière, utilisant telle ou telle technique, quel intérêt?- Que l'on fasse danser les lettres, que l'on multiplie les effets , que l'on ajoute - et pourquoi pas du son- etc. etc. , pareille prestidigitation, souvent, ne sera que le signe (le masque) d'un vaste vide. ô manièrismes, ô tics. J'ai des amis qui avec un crayon-mine ont fait font ou feront des choses infiniment plus fortes. Quand je suis face à mon ordinateur, j'essaie de ne pas l'oublier.
Au delà, ce que j'ai à indiquer ne concerne en un sens que moi, ce sont des chemins que je tente de suivre et certaines idées (ou désirs plutôt) qui me guident actuellement dans l'univers informatique. Par exemple, en désordre, il y a très longtemps que je rêve de d' images qui se situeraient exactement à la limite entre le mobile et l'immobile. J'ai réalisé quelques objets qui vont dans ce sens. J'en connais d'autres, et par exemple l'autoportrait.html de Gérard Giachi, qui vont dans la même direction. C'est un peu paradoxal mais c'est donc la possibilité de l'hyperlenteur qui, entre autres choses, m'intéresse dans l'informatique ! - Je suis également séduit par la possibilité d'introduire dans l'oeuvre des éléments traités en temps réel, avec par là une sorte de source aléatoire différente d'une quelconque fonction random(). Là aussi j'ai quelques projets, en cours. En ce qui concerne le web, j'ajoute deux choses: ce qui m'intéresse, ici, est le web créatif, pas le web informatif ou communicatif; il faut pousser cette distinction à son terme, donc faire des sites qui n'ont pas de but sinon eux-mêmes, des "sites- poèmes" ou des "poèmes-sites" qui, de plus, travaillent sur eux, sur ce qu'ils sont. Des sites "inutiles" & ne parlant de rien: assez des vitrines ou des boutiques narcissiques, assez de l'auto-promotion clinquante de la marchandise universelle et de tout ce qui s'en suit... Dans le même ordre d'idées, je trouve ridicule que le web serve à l'heure actuelle de véhicule à la refondation.com de catégories très désuètes et au lifting des "égocentrismes" si caractéristiques du monde de l'art. Le web c'est le réseau, non ? - Une nouvelle chance pour les tribus affinitaires, l'affirmation d'un autre mode de fonctionnement pour l'homme et la société sur une planète où nous sommes désormais 6 et 9 zéros à prétendre vivre tant bien caha que mal caïn ensemble. Je souscris donc par avance à tout projet qui mette en son coeur la déconstruction du statut de l'auteur Deus ex machina, prophète etc, sans pour autant renoncer à l'ambition de la démarche artistique, que je n'identifie nullement au gag, au jeu video ou à Eurodisney. C'est à des cathédrales virtuelles et à de vrais entreprises collectives que je songe et il faut que tout ceci s'ouvre.Que l'accès aux sites ne soient pas réservé.Que des interventions inopinées, scandaleuses, deviennent possibles, fût-ce à l'intérieur de limites prédéterminées.Et si on faisait circuler les codes ftp ? si on arrêtait de se prendre pour des Start Up Mickey Mouse ? Si le mot "interactivité" possède une signification, je la situe en ce point. Clicker sur un bouton n'est pas plus interactif (c'est-à-dire libre) que cavaler dans un labyrhinthe, cocher-une-case, remplir un formulaire et bref accepter d'être la valeur d'une variable dissimulée quelque part, dans les coulisses du Big Croq Guignol's Bang. Bon, évidemment on pourrait dire des tas d'autres choses / Parler des hypertextes comme on parle des champs de mines/ Parler de l'art de la promenade chez les surréalistes/ Parler de la dérive nomade urbaine chez les situationnistes. Le principe du web c'est que ça n'est jamais fini, on pourra y revenir, l'éphémère donne plus de temps. En apparence.